Antoine Char
Classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO pour ses quartiers médiévaux, Édimbourg est la deuxième destination touristique du Royaume-Uni après Londres. Surnommée l’« Athènes du Nord », la capitale de l’Écosse est entourée d’une nature encore sauvage rappelant que les Highlands ne sont pas très loin de ses merveilles architecturales.
Édimbourg, prononcez « Edenborro » en roulant les « r », est une ville joyeuse malgré la brise froide de la mer du Nord, l’avarice des rayons de soleil et le crachin de tous les jours, peu importe les saisons. Elle est joyeuse grâce à cet air de cornemuse qui flotte toujours sur la ville, à ses nombreux châteaux, souvenirs d’un passé glorieux, ses rues étroites et médiévales, ses collines volcaniques qui offrent une vue saisissante de la capitale écossaise et, bien sûr, ses habitants cordiaux, souriants et aussi nombreux dans les pubs que les whiskys produits par leurs innombrables distilleries.
Auld Lang Syne est l’un des airs les plus joués par les musiciens en kilt postés au coin d’une ruelle ou au pied d’un monument. Ils honorent Robert Burns, dont la ballade du XVIIIe siècle a fait le tour du monde et marque depuis chaque année nouvelle. Oui, Ce n’est qu’un au revoir, a-t-on envie de chanter avec les joueurs de bagpipe quand, fatalement, vient le temps de quitter la ville.
C’est en train qu’il faut arriver à Édimbourg. En partant de la gare ultramoderne de St. Pancras King-Cross à Londres. Un peu plus de quatre heures plus tard, après avoir traversé la campagne anglaise et longé les falaises de la mer du Nord, c’est l’arrivée à Waverley, la gare en plein coeur du Vieux-Édimbourg. Les accents ont changé. Les drapeaux écossais sont partout. Les monuments aussi.
À quelques mètres, au milieu d’un immense jardin, de l’autre côté de Princess Street, la grande artère commerçante, se dresse, tout noir, le Scott Monument.
Seule la statue en marbre de Walter Scott est blanche. Planté entre les quatre colonnes de la tour néogothique, le poète (un autre !) observe, amusé, le visiteur assez téméraire pour escalader les 287 marches étroites et humides lui permettant d’atteindre la toute petite plateforme d’observation, une soixantaine de mètres au-dessus du sol.
Une demi-heure plus tard, après avoir juré et pesté, la vue est à couper le souffle. Au loin, juché sur une des nombreuses collines, trône le château d’Édimbourg sur Castle Rock, au-dessus d’Old Town, le quartier médiéval collé à celui de New Town (XVIIIe siècle).
Les trois livres déboursées pour grimper à l’intérieur du plus grand monument au monde, érigé en l’honneur d’un écrivain (après tout, Scott est l’auteur d’Ivanhoé !), valaient leur pesant d’or. « L’été, 200 personnes en moyenne grimpent là-haut tous les jours », précise le vendeur de billets dans son cagibi. Tout s’escalade à Édimbourg. Il faut être en forme. Et prendre tout son temps. Avec les pauses nécessaires.
La première est à quelques pas. L’entrée au National Galleries of Scotland (1859) est gratuite, comme dans tous les musées du Royaume-Uni. Plus d’un millier de toiles y sont exposées. De peintres écossais, bien sûr, mais aussi plusieurs Rembrandt, Rubens, Vermeer, Velasquez, Goya, Gauguin et surtout, deux grands Titien (Diane et Castillo et Diane et Acteon) qui viennent d’être achetés pour quelques millions de dollars. « Ce sont des chefs-d’oeuvre ! Ils seront exposés l’an prochain », précise The Scotsman, l’un des deux quotidiens de la ville.
Là-haut sur la colline
À moins d’un kilomètre du musée, là-haut sur la colline, c’est la cerise sur le gâteau : « It’s the icing on the cake ! », vous disent fièrement les Édimbourgeois.
Résidence préférée des rois et des reines d’Écosse au Moyen-Âge, le château d’Édimbourg a plus de 1000 ans. C’est le symbole de l’Écosse qui, perchée au-dessus de l’Angleterre, va peut-être se séparer du Royaume-Uni.
Le référendum sur l’indépendance est prévu pour l’automne 2014.
Leur autonomie, les Écossais y tiennent, même si l’union avec l’Angleterre a été scellée en 1707. Depuis, les joyaux de la couronne écossaise sont conservés dans le château, à côté de la toute petite chapelle St. Margaret’s (XIIe siècle) et d’une collection d’armes et d’armures qui rappelle que le château, visible de partout, a aussi été une forteresse qui accueille tous les mois d’août le fameux Edinburgh Military Tatoo, avec ses interminables régiments de cornemuses.
Ce mois est d’ailleurs celui de tous les festivals. Depuis 1947, pour fêter la fin de la guerre, la ville accueille pendant trois semaines les meilleurs spectacles d’opéra, de danse, de théâtre et de jazz. Whiskys et bières coulent à flot dans les pubs, qui ferment plus tard. C’est la fête !
Les Écossais ont le sens de la bringue et ils le montrent bien dans les nombreux pubs du Royal Mile, la rue qui part du château d’Édimbourg pour aboutir, 1,6 kilomètre plus loin, au palais d’Holyrood où vivait Marie Stuart, sans doute la plus grande reine d’Écosse.
Son palais, un ancien monastère, peut être visité toute l’année (10,75 livres)… sauf quand la reine Elizabeth II y séjourne.
Parfois piétonne, surtout à la hauteur de la cathédrale Saint-Gilles construite au XIIe siècle et considérée comme l’église-mère du presbytérianisme, l’étroite rue médiévale a beau être le coeur touristique de la capitale, elle est loin d’être très propre. Les poubelles publiques sont rares, comme d’ailleurs dans la plupart des artères de la ville.
Dommage. Regrettable aussi que la majorité des monuments soient enveloppés d’une croûte noire. Ils gagneraient à être ravalés, décapés, nettoyés…
Quand on le fait remarquer aux Édimbourgeois, ils haussent les épaules et vous disent que leur ville reste la plus belle d’Écosse. Et Glasgow, la capitale économique ? La réponse est tranchante. Elle vient de l’humoriste Billy Connolly. « La bonne chose au sujet de Glasgow, c’est que, s’il y avait une attaque nucléaire, elle serait exactement la même après coup ! » Et les méchantes langues d’ajouter : « Elle serait beaucoup plus belle ! » Pourtant, en 2008, elle a été nommée ville UNESCO de musique.
De toute manière, aucune des deux villes ne chantera la gloire de l’autre. Leur rivalité ressemble à celle entre Montréal et Québec.
Mer de moutons
Après quelques jours à s’extasier devant les merveilles architecturales de l’« Athènes du Nord », après avoir grimpé la colonne Nelson (143 marches) afin d’avoir une autre vue sur la ville, après s’être attaqué à l’une de ses nombreuses collines (il faut compter une bonne heure et demie entre la montée et la descente), il est temps de plonger dans les Highlands.
Le départ se fait à l’entrée du château d’Édimbourg, à quelques mètres du Scotch Whisky Heritage Center où toutes les bouteilles du divin nectar se sont donné rendez-vous. Trois cents ans d’histoire du whisky y sont concentrés.
L’autobus part à 9h15 pour une excursion d’une dizaine d’heures dans ces « hautes terres » qui collent à la peau de chaque Écossais et qui font tant rêver les Européens en mal de nature sauvage à l’état pur.
Sitôt sorti d’Édimbourg, une mer de moutons blancs vient vous submerger. Ils sont partout dans le vert profond des Highlands. Deux fois plus nombreux que les cinq millions d’Écossais. Malgré le ciel tourmenté, ils broutent, insouciants, au pied de quelques châteaux solitaires en ruines se profilant dans la brume.
Pour une quarantaine de livres, on peut en visiter quelques-uns ou aller tout simplement rendre visite à Nessie. Le monstre du Loch Ness, second lac écossais, ne sera pas au rendez-vous, mais qu’importe… La splendeur du paysage vous aura vite fait oublier son éternelle absence.
Pour vous consoler, il y a toujours la visite des distilleries. Celle de Glenturret est la plus vieille. Depuis 1775, elle répond aux besoins des Écossais assoiffés de malt. Savent-ils que le fameux Glenlivet appartient… à Pernod-Ricard ? Shocking !
Le retour à Edenborro se fait chargé de bouteilles et de paysages somptueux plein la tête.
Que faire avant de quitter Édimbourg ? Pas loin du Royal Mile se dresse Arthur’s Seat. Une colline (une autre !) de 250 mètres. Une fois au sommet de cet ancien volcan, il ne reste plus qu’à lancer à la ville ces trois mots qu’elle a souvent entendus : Auld Lang Syne !
En vrac
Prenez l’autobus impérial numéro 22 (1 livre 40) sur Princess Street, la Sainte-Catherine d’Édimbourg. Il vous déposera une vingtaine de minutes plus tard au port historique de Leith où est amarré le Royal Yacht Britannia. Pour 11 livres 75, vous visiterez pendant deux heures le navire qui permit à Elizabeth II et à toute sa famille d’écumer les mers du monde entier. Grande surprise: sa chambre à coucher est toute petite !
Vous en avez soupé des fish and chips ? Goûtez aux haggis ! Le plat national écossais n’est pas toujours facile à trouver dans les restaurants d’Édimbourg. Le Royal McGregor, sur le Royal Mile, en offre si vous aimez les tripes de mouton émincées avec de l’oignon, de la graisse de rognons et de la farine d’avoine. Vous pouvez faire passer le tout avec un bon scotch. Cheers!
Source: http://www.ledevoir.com/art-de-vivre/voyage/359080/edimbourg